Friday 20 December 2013

Noël NO WAY

Pis qu’est-ce que t’en as fait, hein ? Tu l’as caché où, le monstre ? En-dessous du sapin ? Tu l’as vomi dans un papier de soie doré, pis tu l’as fourré dans un sac ? Tu t’es bien essuyé avec le reste des emballages, j’espère. Toi qui hais Noël. Toi qui hais toute, à priori. 

Cette année j’ai rien à t’offrir, fait que j’ai décidé de te dire les vraies affaires.

Le 1er jour de Noël, j’ai crissé plein de tarentules dans tes Froot Loops le matin pis j’ai versé du lait par-dessus juste assez pour qu’elles se tortillent encore. T’avais l’air de l’amoureux(se) de John Newlove dans Driving quand tu les as gobé, la cerne à la commissure de l’œil vide, comme un gros morviat dégueulasse. Tu les as tout gobé. J’ai ri parce que t’es poche sans le monstre en piggy-back ride, évaché en pyjamas sur ta chaise comme une grande asperge beaucoup trop cuite. Ça m'a rappelé que je cherchais le monstre (pis le trouble). Tu l'as mis où ? 

Le 3e jour de Noël
You never say anything in your letters (crisse, j’ai tout vérifié les armoires, les placards, les tiroirs, le d’ssous de lit pis de l’oreiller, même, pendant que t’étais dans douche, y’est où ?). You say,
I drove all night long through the snow
in someone else’s car
and the heater wouldn’t work and I nearly froze.
But I know that. I live in this country too. (Tu trouves que j’exagère ? Penses-tu pas que ça me fait chier aussi, l’hiver ? J’ai passé tout l’après-midi à pleurer devant des vieilles photos d’expo de Ron Mueck, à mâchonner des mots poches comme altérité pis vulnérabilité — dormir en cuillère avec toi c’est un peu comme dormir dans le vrai tiroir à ustensiles, c’est frette pis ça tranche
le cœur
en ti cubes)

You say you drove.
It doesn’t matter to me. (Le 7e jour de Noël je t’ai crissé dans le four pis je t’ai piqué comme un rôti parce que j’avais lu dans le Cosmo du mois passé que ça fait sortir le monstre, j’sais pas lequel mais ça me fait pas grand chose, rendu là c’est pas comme si j’avais grand chose à perdre ou à gagner)
All I can see is the silent cold car gliding,
walled in, your face smooth (ta face étendue sur un long piece de gâteau moelleux que j’va bientôt rouler pour faire une bûche, j’va toute la glacer, pis la mettre au feu, pis avec les tisons, j’va me faire un beau tête à tête avec le diable, on va jouer à patate chaude, c’est drôle et insignifiant je me demande si le grand Tord-vis avec un T caps lock il sait la différence entre les tisons pis les vraies patates chaudes)

your mind empty,
(Le 15e jour de Noël je commence à me demander si tu m’as acheté un cadeau.
Aussi je cherche encore
C’est arrivé au monstre d’être frileux fin Décembre mais…
Tu l’as mis où ?)

cold foot on the pedal,
(18e jour je commence à me demander si tu l’as pas sacré aux poubelles une fois pour toutes il faudrait que tu saches que ça me ferait quand même de la peine un peu tu sais moi pour Noël j’aurais pu t’offrir peut-être un imperméable à quatre manches comme dans la toune de The Eels on aurait pu aller se promener le monstre et moi c’est pas que je l’haïs c’est pas que je t’haïs
tu l’as mis où ?)

cold hands on the wheel.
(Tu vas me donner quoi pour Noël ? Ça fait 25 jours que je pense à Ron Mueck en pleurant doucement, je suis pu fâchée, c’est bon, j’ai juste peur d’avoir éteint le feu dans la cheminée
L’hiver c’est aussi
une affaire de psyché, tu sais je crois que c’est pas pour rien que ça rime avec impair (un c’est un chiffre impair ça c’est tout seul un), altèr(ité), hier

Finir l’année loin de chez soi, dans son salon
à errer pendant vingt-cinq jours dans un corridor aux plafonds hauts
dans une chambre poche beige et vert pâle

Pas de monstre, pu de monstre, y’a sacré son camp juste un peu avant toi pour te faire comprendre que t’avais pu rien à faire ici —

Pas de monstre, juste le remord d’avoir mis des tarentules dans ton bol de Froot Loops par exprès pour rien le 1er jour de Noël.




Joyeux Noël et merci à John Newlove et Ron Mueck. 
Juliette

Thursday 5 December 2013

Pour conclure 2013...

J’ai commencé mon premier vrai projet d’écriture en secondaire 2. C’était une histoire appelée Reset qui mettait en scène un personnage paraplégique (Fay Tsvetana), son alter-ego masculin (pas paraplégique) et un jeu vidéo qui forçait les gens à « peser le bouton reset » de leur vie. C’était directement inspiré du manga éponyme, que j’avais lu dans un magazine, je ne me rappelle plustrop quand. Je pense que la dernière fois que j’ai édité ce projet, qui a changé de nom, de personnages, de contexte et de trame narrative au moins mille fois, c’était en 2011. 5 ans plus tard.

Je ne sais pas pourquoi j’ai un ton si grave ce matin (blame it on the fin de session, ou bien sur le colossal nombre de bilans de 2013 qui vont commencer à surgir de tous côtés d'ici quelques jours) mais j’ai formulé une liste de recommandations à l’égard de l’écrivain et de la personne que j’étais quand j’avais 12-13 ans. L’écriture est quelque chose qui m’a complexée jusqu’à l’année dernière. J’avais l’impression que personne au monde n’avait envie de lire ce que j’avais à dire. Je sais maintenant que c’est faux (ou du moins, j’en ai l’impression). Voici donc, à la Juliette de 13 ans, quelques conseils (qui, s’ils ne lui ont pas profité, le pourront peut-être à d’autres). 

  • N’arrête jamais de lire et ne sois pas gênée d’écrire ce que tu lis. L’année prochaine tu (re)découvriras Daniel Pennac, avec Au bonheur des ogres. Quand tu auras 19 ans, tous les Pennac, ses livres d’enfant comme la saga Malaussène, trôneront encore dans ta bibliothèque. Et tu essayeras encore d’écrire comme lui. La seule manière de dépasser tes idoles passe par l’imitation (ou du moins, tu n’as pas encore trouvé de passe-droit à ce processus). 
  • Ne te lance pas dans de longs projets. Ne s’en suivront que d’amères frustrations et une déception constante. Écris des nouvelles et des poèmes. Écris des paragraphes sur la température dehors qui ne s’insèrent en rien dans de plus longs projets. Écris de longs projets aussi, mais n’en mets pas trop sur toi-même si tu n’aboutis pas. Tu aboutiras bien à quelque chose un jour ou l’autre de toutes façons.
  • Rules are overrated. Les règles de grammaire comme celles sur la forme peuvent être dépassées, transcendées, pliées, modifiées à loisir. Dans la vraie vie des vrais adultes, il n’y a pas grand monde pour te taper sur les doigts si tu te mets à parler in english in the middle of your sentence. 
  • N’arrête pas de lire en anglais mais n’évite pas les traductions. Forge ton propre avis sur ce qu’est une bonne traduction (parce que oui, à 19 ans, tu croiras encore aux bonnes traductions). N’arrête pas de lire en anglais parce que tu trouveras bien vite qu’en général, la littérature française est assez cloisonnée. Et Jack Kerouac n’a pas encore trouvé son égal dans la langue de Molière.
  • Don’t put your head up the ass of the people you love (ça peut-être pas rapport, mais y’a plein de manières de jouer à fouille-cul pis ça reviendra dans la face de personne d’autre que toi)
  • N’aie pas peur de l’opinion des autres et fais lire tes textes à autant de personnes que possible. Aie confiance en ton talent (si talent il y a) et en tes erreurs. La plupart des gens feront juste te dire c’est très bien continue comme ça. Cherche les gens qui te diront c’est pourri. Ceux qui te diront que telle ou telle virgule fait mal respirer ton texte. Ceux qui te montreront les ups and downs de ton vocabulaire. Ceux qui aimeront ton style. Ceux qui détesteront ton style. Cherche les gens qui seront capables de te parler en face et apprends à ne pas avoir peur d’eux. Ça vaut pour la littérature comme pour tout le reste. 
  • N’essaie pas de tout écrire. La ligne d’idée est le mot d’ordre (ça, je m’en suis rendue compte juste lundi dernier, dans le cours de Renée Beaulieu. N’abandonne pas ce cours et apprécie-le, k thanks). Un texte court, une idée, une direction. Un texte moyen, une idée, quelques directions. Un texte long… on est pas encore rendus là. La direction unique te permettra de te concentrer sur ce qui compte vraiment dans ton texte. La voix, le ton, les images, etc. 
  • Accueille les stéréotypes à bras ouverts. Apprivoise-les, maîtrise-les, puis range les dans une maison de verre pour ne plus jamais les ressortir. Sors des sentiers battus, c’est un peu cliché, et pas toujours vrai. Fais attention où tu marches, c’est tout. 
  • Choisis bien tes mots. Ça vaut pour l’écriture comme pour le reste. Pense aux gens que tu aimes. Le style (stylet, même étymologie) est une arme (merci Poétiques modernes et contemporaines). Les paroles sont des armes. Tout ce qui émane de toi peut couper (et tout ce qui émane des autres peut couper, également). Ce n’est pas que ce soit mal de couper, il faut juste choisir qui, et quand. 
  • La réécriture est la clé. Mais ça, à travailler sur les mêmes histoires de 2006 à 2013, tu l’as déjà bien compris.